Des souris et des hommes
Il y a deux semaines, j'ai été réveillée vers 3h du matin par l'Homme, en train de manger des Krisprolls dans notre lit.
Après ce premier constat, je me suis sentie suffisamment réveillée pour me rendre compte que 1/ il n'y a pas la moindre trace de pain suédois dans la baraque et que 2/à mon avis, c'est plutôt des chips, mais alors pourquoi n'y a t il pas d'odeur de friture ? Pour en avoir le coeur net (et potentiellement mettre une brasse à l'Homme, parce que c'est vrai quoi, on mange pas des Krispolls au lit, ça met des miettes partout), je me suis héroïquement retournée pour me rendre que l'Homme dormait du sommeil du juste. Le bruit s'est arrêté.
Légèrement étonnée, je me rendors aussi sec du sommeil de l'enclume (oui, l'Homme a un sommeil un peu plus classe que le mien).
Le lendemain, de nouveau le bruit de krisprolls à des heures indues. Je me retourne de nouveau, prête à prendre l'Homme en plein délit de grignotage nocturne et quasiment dans la peau de la femme de Karadoc. L'Homme a la bouche ouverte, soit, mais il ronfle légèrement. Plus de bruit de mastication. L'Homme saurait il s'arrêter de grignoter plus vite que son ombre ? Franchement surprise, je me rendors (il en faut un peu plus pour m'empêcher de dormir).
Le surlendemain, belote, rebelote et dix de ders. Sauf que l'Homme est également réveillé et, étrangement, ne tiens rien de craquant dans ses mains (si j'étais d'humeur lyrique, je terminerai ma phrase par un truc pour dire que c'est lui en entier qui est craquant, mais j'ai un peu la flemme). L'Homme est à l'affût. A l'affût à 2h37 du matin, ça a de quoi me laisser pantoise. J'arrive à bavouiller un "grmmmll ?", soit "mais c'est quoi ce bordel, y'a des gens qui vont passer la journée dehors sur des putains d'aires d'autoroute toute la journée de demain et qui voudraient dormir". Parfaitement interprété par ma moitié, qui s'exclame: "c'est la souris, elle est revenue".
Et là, tout s'éclaire. J'hésite àm'excuser auprès de l'Homme pour l'avoir honteusement soupçonné de grignotage de pains suédois à des heures indues. Un rongeur non identifié s'est introduit dans le mur et ronge le polystyrène consciencieusement pour se faire un petit nid douillet. Et de tous les murs existants dans cette baraque, il a fallu qu'il choisisse celui qui est à la tête de mon lit. Je comprend désormais pourquoi cela s'appelle un nuisible. Et cette nuit là, nous lui avons déclaré la guerre.
Man vs wild, round 1
La première technique consiste à se dire "si on lui fout suffisamment la trouille, il finira par se barrer ad vitam".
essai n°1: tapoter tout doucement sur le mur à l'endroit où la Bête est censée être. Echec total, la Bête s'en fiche comme de son premier morceau de fromage.
essai n°2: gratouiller le mur. Etrangement, cette technique fonctionne assez bien, la Bête arrête son repas pendant environ 30 secondes. Les deux inconvénients sont qu'avec le crépi (oui, mon propriétaire a mis du crépi à l'intérieur de la maison), c'est pas super agréable et que l'Homme me réveille systématiquement en faisant ça, alors que le grignotage de la Bête me laisse de marbre 3 fois sur 4, même quand elle est au niveau de ma tête (ce qui n'a de cesse d'éberluer le type qui tente de pioncer à coté de moi).
essai n°3: mettre de grands coups dans le mur à coups de poings. Ca fait mal et la Bête s'en contrefout.
Man vs wild, round 2
Après quelques nuits entrecoupés de réveils, l'Homme a décrété que puisqu'il n'avait pas de mômes, il avait le droit à des nuits complètes. Il s'est mis à migrer vers la chambre d'amis quasiment tous les soirs, entre 3h et 6h du matin. Bonne fille, Sassinak a suivi les migrations, mais en embarquant la couette, parce qu'elle est déjà chaude. Après tout, Sassinak s'en fout, elle se rendort en 8 secondes.
Man vs wild, round 3
Pour ne pas rester sur un échec, l'Homme a décidé de prendre le taureau par les cornes (j'eusse préféré qu'il chope le rongeur par la queue, mais on ne peut pas tout avoir). Il est rentré un soir avec des tapettes et du souricide. J'ai refusé tout net de m'approcher de la tapette à rat, apparemment capable de m'arracher un doigt si je le laisse trainer un peu trop près. Le souricide, quant à lui, se présente sous la forme de grains de blés empoisonnés délicatement colorés en rouge, des fois que quelqu'un soit assez con pour grignoter des trucs sortis d'une boite où il est écrit en gros "SOURICIDE, ATTENTION DANGEREUX". Darwin doit se retourner dans sa tombe. Dévissage de la trappe que je sais pas à quoi elle sert du plafond de l'entrée (elle a du être conçue pour la chasse aux souris)(s'ils savaient qu'on serait envahis, ils auraient ptêt pu mettre du répulsif dans le béton ?), pose de tapettes, éparpillage de souricide dans les combles. Le soir, la Bête est toujours là.
Au matin, l'Homme me dit: "j'ai entendu du bruit, soit ils sont plusieurs et ils se sont battus, soit les tapettes ont marchées". Les tapettes n'ont pas marchées. Portés par l'espoir de l'étiquette du souricide qui dit que les bestioles vont pas crever tout de suite pour pas que leurs congénères aient des soupçons, nous continuons nos nuits agitées. La Bête semble immunisée contre les graines empoisonnées (c'est pas les allemands qui peuvent en dire autant, HEIN ?)(quoi, c'était pas en Allemagne le souci avec les graines germées ?)(J'suis nulle en géographie de toute façon).
Man vs wild, round 4
Ces faits s'étalent sur une période d'environ une semaine et demie. Mardi, en plein Dr House, alors que je me dis que la nouvelle docteur peut pas rester parce qu'elle a un gros derche et que ça rentre pas dans les canons de beauté d'Hollywood, l'Homme me dit "bon, c'est la pub, je vais changer notre lit de chambre". Bonne fille, je lui donne un coup de main. Nous avons pour l'instant été surpassés par la Bête, qui a su déjouer nos statagèmes. Mais nous ne nous avouons pas vaincus. Nous reviendrons et nous lui fumerons sa gueule.
Non mais.
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