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14 décembre 2014

Le jour où j'ai fait une via ferrata.

Comme je vous le disais, j'ai passé quelques mois à errer au gré de ce que ma société voulait bien faire de moi. J'ai donc passé un peu de temps dans le sud. Dans un autre sud que le mien. Après les quelques jours règlementaires où tout le monde se renifle mutuellement, le courant commence à passer. Et c'est comme ça qu'un midi, au café, une collègue m'a lancé "Je vais faire une via ferrata après le boulot demain, ça te dit ?". Sassinak réfléchit. Et se dit que bon, entre ne rien faire à l'hôtel et s'embêter de manière certaine ou sortir et potentiellement passer une bonne soirée, la conclusion arrive d'elle même. J'ai donc refusé pour la sortie du lendemain, arguant que je n'avais pas mes chaussures de montagne avec moi (indispensables pour passer partout), mais que je m'inscrivait pour la semaine d'après.

C'est comme ça qu'une belle soirée d'avril, je me suis retrouvée dans un champs, sanglée dans un baudrier, et nouant mes lacets correctement.

Vous qui commencez à me connaître, vous vous demandez sûrement pourquoi j'ai accepté cette opportunité qui sentait le coup foireux à plein nez. Premièrement, j'ai pensé à vous, et je me suis dit que ça ferait un billet de blog sympa. Oui oui, il m'arrive de faire des choses en me disant "bon ben au pire ça fera un truc sympa pour le blog". Secundo, la collègue qui m'a proposé ça a une bonne soixantaine d'année et a l'air assez frêle, je me suis donc dit que si elle y arrivait, je devais y arriver. Mauvais calcul. Oui, je me suis remise au sport depuis deux ans, mais je rappelle que je suis feignasse ascendant tire au flanc.

Je reprends. Après m'avoir équipée d'un baudrier, de longes, de gants, de casques, de poulies, nous voila partis. Nous sommes une dizaine, que des plus de cinquante ans, une nana de mon âge et moi. Il fait bon, un peu frais, le soleil est bas, mais nous accordera encore deux bonnes heures de jour. Nous voilà partis donc, à crapahuter un bon quart d'heure dans la cambrousse. On est à peine arrivés au début de la via que je suis essouflée.

On m'explique le concept des vaches et des mousquetons. Il faut toujours être attaché à la ligne de vie par au moins une vache. Les vaches, ce sont des morceaux de cordes attachés à une extrémité au baudrier, et avec un mousqueton à l'autre extrémité. Non, on trimballe pas deux bestiaux de 400 kg avec nous le long d'une falaise. Faudrait être con. On commence à descendre gentiment de petits rochers d'au moins 90cm. Impressionant. Je suis d'ailleurs la seule attachée à la ligne de vie, parce que je suis une noob à qui il faut expliquer comment on fait pour être sûr de revenir en un seul morceau. Je vous explique, hein, moi la dame me l'a expliqué au moins quinze fois pour être sûre que j'avais bien compris. T'accroches tes deux mousquetons au gros fil d'acier qui a l'air de faire la longueur de la balade (si le câble ne semble pas attaché régulièrement, laissez tomber, c'est un déchet).  Quand t'arrives à un piton, attention, ça devient un p'tit peu technique. Il faut détacher le premier mousqueton, le raccrocher de l'autre côté. Une fois le premier mousqueton bien attaché, tu détaches le deuxième et tu le raccroches de l'autre côté. C'est bon ? Tout le monde a suivi ? J'ai besoin de la refaire encore quatorze fois ?

Nous voici donc arrivés au bord de la rivière, au pied de la "falaise". La balade a l'air sympa. Des fers à béton ancrés régulièrement pour les pieds, un câble pour les mains et les mousquetons. Tout le monde est déjà parti, je pars en avant dernier, la dame qui m'explique (et qui me prend visiblement pour une conne) me suit. Je me retrouve juchée sur un fer à béton, les poings verrouillés sur le câble, mon corps faisant un angle d'environ 30 degrés avec la paroi et me demandant dans quel putain de pétrin je me suis encore fourrée. La collègue me demande si ça va. Je répond que ça va. J'ai ma fierté. Je progresse difficilement, essayant de retrouver mon équilibre entre les marches espacées d'environ 1m et le câble complètement distendu qui se décolle de la paroi de facile 50 cm. Arrivée au premier piton, j'ai fait environ 60m, j'en ai encore 250 à faire pour arriver au bout du tronçon. Je m'accorde royalement une petite pause.

Je commence à réfléchir sérieusement à passer mes mousquetons de l'autre côté (un d'abord, puis l'autre, j'appelle ça la technique Zidane) quand j'entends un "pardon, pardon, excusez moi". Des retardataires sont arrivés. Deux bons vivants d'environ 50 ans et le double en kilo. Qui se baladent littéralement, pas attachés, tranquille Emile quoi.Je m'aplatis sagement contre la paroi pendant qu'ils passent autour de moi, me gratifiant d'un sonore "salut la miss". La miss ronchonne. Et repart difficilement. Au bout des 300m, j'ai les bras en compote, les mains contractées, les jambes lasses, bref je suis au bout du rouleau. Feignasse ascendant tire au flanc, je vous dis.

On me demande si je veux continuer comme ça ou si je préfère prendre la tyrolienne. Sachant que si je continue le parcours de la mort, je pourrais grimper la falaise et faire un dévers. Je décide sagement que ce serait beaucoup trop de bonheur pour une première fois. Je prends l'option tyrolienne. L'un des retardataires (un de ceux qui me sont passés dessus, hein), se sent un p'tit peu fatigué, et ferait bien aussi de la tyrolienne. Comble de malchance, il a oublié sa poulie. "Non mais s'pas grave hein, j'en ai prêté une à Sassinak, z'avez qu'à vous attacher ensemble". Il est donc acquis que cette dame, que je connaissais pas il y a une heure, me hait. Monsieur Gros Bidou trouve que c'est une bonne idée. Sassinak un peu moins, mais elle est polie. En un tournemain, me voilà donc attachée par ma vache courte (non,pas un veau, ça suffit maintenant), à la poulie et à Monsieur Gros Bidou. Qui me lance, l'air de rien, qu'il est content de s'envoyer en l'air avec une jolie fille. J'ai besoin d'en rajouter sur mon karma de merde ? (Monsieur Gros Bidou est un mec adorable, pas du tout un gros pervers,je vous rassure. Ca m'a même plutôt fait marrer). Et Zouuuuuuu, on est partiiiiiiis. Etre suspendue à un câble, au dessus d'une rivière, au soleil couchant pendant une belle soirée d'avril, est un très beau moment. Un peu court, mais un très beau moment. Grisée par l'instant présent, j'ai un peu oublié de mettre mes pieds en avant, et je me suis ramassée contre la paroi rocheuse. Ecrasée par Monsieur Gros Bidou. Qui a eu l'air franchement désolé de m'avoir heurté. C'est le jeu, hein.

On se détache, et on fait une pause. Les quelques courageux qui ont continué le chemin le long de la paroi ont attaqué à grimper le long de la falaise. Et à se faire un devers en toit, tranquille (ça veut dire que c'est horizontal et que t'es pas du bon coté, si tu vois ce que je veux dire. T'es du coté du sol, quoi). Avec mon groupe, on grimpe le long d'une petite faille, en mode pépère. Mes bras recommencent à me dire que je ferai bien d'arrêter de déconner cinq minutes, mais comme en escalade, il faut monter les pieds, ça va. Arrivés en haut, petit passage sympa au milieu du vide. un câble au niveau des pieds, un câble 2m au dessus pour attacher les mousquetons, et roule ma poule. Enfin. L'idée, c'est de pas regarder en bas, et ça va. Ne pas regarder en bas. Eh merde. Arrivée de l'autre côté, je m'attache à un arbre et je m'assois avec les autres.

On regarde le soleil se coucher. C'est beau. Et une bonne demi heure plus tard, on repart.Dans la nuit. On a encore une cinquantaine de mètres à grimper, je n'ai pas de lampe, il n'y a pas de lune. Super. Je trébuche un peu, mais globalement ça va. Le seul moment qui a été compliqué, c'est quand je me suis fait arrêter en plein élan parce que j'avais pas vu le piton. Coincée par les mousquetons. Me suis gaufrée. Oui.

Arrivé au sommet, tout le monde se détache. On recrapahute vers les bagnoles, dans le noir complet. Me suis re-gaufrée. Oui.

Le lendemain, j'avais tellement mal aux bras que j'avais du mal à tenir un stylo. Mais c'était une vache de bonne soirée !

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